Page d’histoire : LES BAYAKA ENVAHISSENT LE ROYAUME KONGO (1568)



Les Jaga et les Yaka

De prime abord, nous devons au lecteur une explication sur le terme « Bayaka » que nous allons utiliser dans cet article. Les historiens utilisent le terme de « Jaga » pour qualifier ces bandes armées qui ont fait vaciller le royaume le plus évolué au 16e siècle en Afrique Centrale, le royaume Kongo.
Les recherches les plus récentes tendent à démontrer que les « Jaga » étaient des groupes pluriethniques composés essentiellement des Cokwe, des Kongo et des Yaka. Ces derniers, les Yaka, étant le plus nombreux parmi ces combattants intrépides et disciplinés, auraient donné leur nom au groupe tout entier : Jaga serait la déformation de Yaka. Raison pour laquelle nous avons retenu le vocable « Yaka » pour qualifier ce groupe.

Lutte de succession entre frères

A la mort de Ndo Dyoko 1er (Don Diogo) en 1561, deux frères se battent pour la succession au trône du Mani-Kongo (roi). Il s’agit d’Afonso II (Ndo Funsu II en Kikongo) et de Bernardo (Ndo Mbelendanu en Kikongo).
Les portugais présents dans Mbanza-Kongo, capitale du Royaume Kongo, vaut s’immiscer dans ce conflit successoral et favoriser l’accession au pouvoir de Ndo Funsu II. Très amer, Don Bernardo va s’organiser pour assassiner son frère, le Mani-Kongo Ndo Funsu II, lors d’un culte religieux. Plusieurs portugais vont être mis à mort au cours des désordres qui sont survenus à la suite de la mort du roi. Don Bernardo prends le pouvoir et s’installe sur le trône du Kongo.

Le Royaume Kongo est mis sous embargo

La reine Catherine de Portugal, qui reprochait à Don Bernardo l’assassinat de son frère le roi Ndo Funsu II, va décréter un embargo contre le royaume Kongo. La coopération entre le Royaume du Portugal et le Royaume Kongo est suspendue. Aucun navire portugais n’accoste plus à Mpinda, le principal port du royaume Kongo. Tout le trafic maritime est désormais orienté vers l’Angola.

La question minière

En 1566, une rumeur va circuler dans tout le Royaume Kongo. Selon cette rumeur, le roi Don Bernardo, asphyxié, est prêt à accorder aux portugais le droit d’exploiter toutes les ressources minières qu’on pourrait trouver dans le Royaume Kongo. Pour comprendre la gravité de cette décision possible, il faut savoir que tous les Mani-Kongo ont toujours refusé aux portugais le droit de faire de la prospection minière dans leur royaume.

Le Mani-Kongo est tué par les Teke

Mais l’homme propose, Dieu dispose, comme on dit. Avant la concrétisation de son projet avec les portugais, le Mani-Kongo Don Bernardo va être tué au mois d’avril 1566 lors d’une bataille entre son armée et l’armée du royaume voisin du Nord, le Royaume Teke. On notera que dans l’histoire du Royaume Kongo, plusieurs rois avaient perdu la vie au front ; parce que dans la culture militaire des Bakongo, le roi, qui est le commandant suprême de l’armée royale, doit être physiquement présent sur le champ de bataille. Considéré comme un être surnaturel, la présence du Mani-Kongo pouvait remonter le moral des troupes et assurer la victoire au combat.

Don Alvaro 1er ou le jeune Mani-Kongo

A la mort de Don Bernardo, Don Henrique (Ndo Diki en Kikongo) lui succède à la tête du royaume.
Ce dernier ne règnera pas longtemps puisqu’il fut tué, lui aussi, dans une bataille contre les Teke en 1567.
C’est ainsi qu’un jeune homme de 25 ans, fils d’une épouse de Don Henrique, accède au trône comme Mani-Kongo en 1568 sous le nom de Don Alvaro 1er (Ndo Luvwalu 1er en kikongo). Ce jeune leader parviendra à pacifier le royaume, à normaliser les relations avec le Portugal et organiser la visite de l’évêque portugais de Sao Thomé dans son royaume.



Les Bayaka attaquent le Royaume Kongo

Mais quelques mois après la visite du prélat catholique, le Royaume Kongo est envahi par des bandes armées des Bayaka. Après avoir traversé la rivière Kwango, les Bayaka vont décimer l’armée des Bakongo stationnée dans la province de Mbata. Il faut savoir que dans l’organisation politico-militaire du Royaume Kongo, le gouverneur de la province de Mbata (le Mani Mbata) était en même temps le commandant en Chef de l’armée des Bakongo.

Mbanza-Kongo, la capitale, tombe.

Très rapidement, ces groupes armés des Bayaka envahissent la capitale Mbanza –Kongo, qu’ils vont piller. Le roi Alvaro 1er (Ndo Luvwalu 1er ) s’enfuit de la capitale. Avec des membres de sa cour et quelques conseillers portugais ils vont se réfugier sur une île située sur le fleuve Congo. Le pays est dévasté par les Bayaka. Ce qui entraîne une grande famine. Des épidémies s’abattent sur le royaume Kongo dont la peste. Le roi Ndo Luvwalu fut d’ailleurs atteint.

Acculé, le Mani-Kongo appelle le Portugal à l’aide.

A bout de force et sur conseils de ces collaborateurs portugais, le Mani Kongo se résout à demander secours à son « frère » et partenaire le roi du Portugal, Don Sébastien. Celui – ci décide alors d’envoyer un contingent de 600 militaires portugais commandés par le général Francisco de Gouvea, gouverneur de Sao Thomé. Les troupes portugaises débarquent au Kongo au mois de mars 1571 c’est la première intervention militaire européenne dans un conflit local en Afrique centrale. Nous sommes au XVIème siècle.

Les opérations de pacification du Royaume Kongo

Le général de Gouvea, les militaires portugais et les quelques militaires Bakongo restés opérationnels, vont se lancer dans une longue guerre pour nettoyer le Royaume Kongo de la présence des bandes armées des Bayaka. Ces opérations vont durer deux ans (1571-1573).
Après la pacification du royaume, le Mani Kongo Ndo Luvwalu 1er est remis sur son trône à Mbanza-Kongo. Mais pour s’assurer que les Bayaka, qui ont fui le royaume, ne reviendront pas de sitôt et permettre au roi du Kongo de reconstituer son armée, le général Francisco de Gouvea et son contingent vont encore rester sur place jusqu’en 1575-1576, en occupant pratiquement tout le royaume.

La mutation géopolitique de la région

Après le départ des troupes portugaises, les choses vont complètement changer dans la sous-région. Pendant la période trouble que traversait le Royaume Kongo, les portugais en ont profité pour faire du Royaume d’Angola, un ancien Royaume vassal du Royaume Kongo, leur colonie. Le Mani Kongo Ndo Luvwalu est incapable, psychologiquement et militairement, de réagir.
Il ne pouvait pas savoir que les malheurs futurs du Royaume Kongo viendront de l’Angola.

A suivre !



Thomas LUHAKA LOSENDJOLA
« Omenyama »

Vos observations, corrections et critiques sont les bienvenues
Sources : – Les anciens royaumes de la savane (Jean Vansina)
– Histoire générale du Congo (Isidore Ndaywel)

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